La procédure de conciliation en 5 minutes
Comprendre le déroulement et les enjeux d’une procédure de conciliation
Conditions d’ouverture
L’entreprise doit éprouver une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne pas se trouver pas en cessation des paiements depuis plus de 45 jours (Article L 611-4 du code de commerce).
L’entreprise peut donc se placer sous le régime de la conciliation alors qu’elle se trouve en cessation des paiements et pourra échapper aux procédures collectives jusqu’à la conclusion d’un accord de conciliation .
Le chef d’entreprise peut ainsi choisir entre la procédure de conciliation, non collective, et la procédure de redressement judiciaire, collective. La gravité de la situation et les chances de sauver l’entreprise conditionneront ce choix: la conciliation ne sera ouverte que s’il existe des perspectives.
Mise en oeuvre de la procédure
Le Président du Tribunal est saisi sur requête de l’entreprise. L’Ordonnance du Président est susceptible d’appel de la part du requérant et du Ministère Public. Le Président du Tribunal choisit librement le conciliateur mais le demandeur et les créanciers peuvent suggérer sa désignation. L’entreprise peut récuser le conciliateur désigné. Le choix du conciliateur repose sur la confiance. Il existe les mêmes incompatibilités que pour un mandataire Ad’Hoc.
La procédure est moins confidentielle que le mandat ad’hoc puisque l’Ordonnance d’ouverture de la conciliation est communiqué à l’entreprise, au procureur de la République, à l’ordre professionnel, et au commissaire aux comptes. Pour les salariés, les institutions représentatives du personnel sont informées du contenu de l’accord par l’entreprise lorsqu’elle demande l’homologation. A contrario, il pourrait être soutenu que l’information ne serait pas requise avant la demande d’homologation ce qui aurait l’avantage de préserver la confidentialité. Mais la doctrine reconnaît qu’il existe un risque à ne pas les aviser dés l’ouverture de la procédure amiable.
Durée de la conciliation
La procédure dure 4 mois avec une possibilité de prorogation de 1 mois à la demande du conciliateur (Article 611-6 du code de commerce) soit 5 mois maximum.
Si une demande d’homologation a été formée avant l’expiration de la durée de la procédure, la mission du conciliateur et la procédure sont prolongées jusqu’à la décision du Tribunal (Article L611-6 alinéa 2 du code de commerce).
Enfin, si la durée initiale est inférieure à 4 mois, la prorogation pourra être de plus de 1 mois sans pouvoir dépasser 5 mois au total.
Poursuite des créanciers durant la conciliation
La procédure est purement contractuelle avec des incursions « judiciaires ».
Le conciliateur n’a aucun pouvoir de coercition.
Durant la conciliation, l’entreprise poursuivie par un créancier peut demander au Juge qui a ouvert la conciliation de faire application de l’article 1343-5 du code civil du code civil. En outre, l’octroi de délais de grâce peut être subordonné à la conclusion d’un accord. Enfin, il peut être relevé l’extension des délais de grâce au bénéfice des garants pendant la phase de recherche d’un accord.
NOUVEAU: Depuis le 1er octobre 2021, les garants peuvent se prévaloir des délais de grâce ordonnés par le Président du Tribunal pendant l’execution de l’accord et non seulement pendant la phase de conciliation (Article L611-10-2 du code de commerce)
Après l’adoption de l’accord, l’entreprise poursuivie par un créancier appelé à la conciliation peut pour des créances non soumises à l’accord solliciter des délais de grâce sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil sauf pour les créanciers publics (L611-7 alinéa 3). Le juge de la conciliation est compétent et devra tenir compte des conditions d’exécution de l’accord. L’objectif est d’augmenter la protection de l’entreprise dans la phase d’exécution de l’accord.
NOUVEAU: Depuis le 1er octobre 2021, des délais de paiement peuvent être imposés sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil à l’égard d’un créancier qui n’a pas accepté dans le délai fixé par le conciliateur de suspendre l’exigibilité de sa créance (Article L611-7 alinéa 5 du code de commerce). Le Juge peut alors reporter ou échelonner le réglement des créances non échues dans la limite de la durée de la mission du conciliateur
L’accord de conciliation avec les créanciers
L’objectif est de permettre d’assurer la sécurité juridique de l’accord de conciliation. Deux cas sont possibles:
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La constatation
Le Président du Tribunal sans examiner le contenu de l’accord, constate son existence. L’entreprise doit attester qu’elle ne se trouvait pas en état de cessation des paiements lors de sa signature ou que l’accord y met fin.
↳ Avantage : Confidentialité et pas de recours
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L’homologation
La demande d’homologation est de la compétence exclusive du débiteur (ni les créanciers ni le conciliateur ne peuvent la demander). Le Tribunal (et non le président) est compétent et dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation sous réserve que 3 conditions soient remplies: le débiteur n’est pas en état de cessation des paiements ou l’accord y met fin; l’accord assure la pérennité de l’entreprise; l’accord ne porte pas atteinte aux droits des créanciers non signataires.
La procédure d’homologation est moins confidentielle: le tribunal va auditionner en chambre du conseil l’ensemble des parties concernées: le débiteur, les créanciers, les représentants du comité d’entreprise ou délégués du personnel, le ministère public et le conciliateur (Article L611-9 du code de commerce).
Le jugement d’homologation fait l’objet d’une publicité : le jugement est déposé au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance et publié au BODACC (permettant aux tiers de former une tierce opposition dans un délia de 10 jours à compter de cette publication) . L’accord lui-même n’est pas publié afin d’assurer sa confidentialité.
Le jugement de refus d’homologation ne donne pas lieu à publication et n’est donc que susceptible d’appel.
Le jugement d’homologation est susceptible d’appel de la part du Ministère public, et, en cas de contestation relative au privilège de la new money, de la part des parties à l’accord.
Les conséquences de l’accord
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L’absence de poursuite des créanciers parties à l’accord
L’accord a un effet relatif limité aux parties à l’accord. Les parties sont engagées dans les termes de ce qui a été conclu conformément à l’article 1165 du code civil.
Il ne produit pas d’effet à l’égard des tiers (sauf garants).
Tant pour la constatation que l’homologation, toute action en justice et toute poursuite individuelle de la part des créanciers, parties à l’accord, sont suspendues pendant la durée de l’accord. En contre partie, les délais impartis aux créanciers à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents aux créances sont également interrompus.
Seules sont suspendues les actions dans le but d’obtenir le paiement des créances. Ne sont pas visées les obligations de faire et les créances non incluses dans l’accord (on doit raisonner par rapport à des créances et non des créanciers…)
Le texte n’interdit pas l’inscription de sûretés en exécution de l’accord.
Les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord constaté ou homologué (Article L611-10-2 du code de commerce).
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L’absence de remise en cause de la date de cessation des paiements
Il est impossible de faire remonter la date de cessation des paiements avant la date du jugement définitif d’homologation sauf en cas de fraude (Article 631-8 du code de commerce).
Conséquences:
↳ Les actes accomplis avant le jugement d’homologation ne pourront plus être annulés dans le cadre des nullités de a période suspecte
↳ Les actes de gestion antérieurs au jugement d’homologation ne pourront plus servir de fondement aux actions en sanction personnelle.
D’une manière générale, pour assurer la sécurité juridique de l’accord, il sera impossible de remettre en cause les actes passés en vue de l’accord (par exemple les garanties consenties à des créanciers).
Concerne uniquement les accords homologués
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Le privilège de la conciliation: des avantages accordés aux apporteurs de capitaux nouveaux.
Les apports nouveaux (autres que les augmentations de capital), en trésorerie ou en, nature, fourniture d’un bien ou d’un service, consentis dans l’accord homologué dans la perspective de la poursuite d’activité, bénéficient de ce privilège.
Le privilège couvre les apports (en trésorerie, biens ou services) consentis dans le cadre de l’accord homologué mais également durant la période de conciliation ayant donné lieu à un accord homologué.
Attention, les créances bénéficiant du privilège de la new money restent soumises à la procédure collective (les montant, le privilège doivent être déclarées) mais elles ne sont pas soumise au plan. Rien n’empêchera le créancier d’accorder un échéancier mais le Tribunal ne pourra lui imposer aucun délai.
Rang (Article L611-11 du code de commerce):
-règlement avant toutes les créances nées avant l’ouverture de la conciliation
-En cas de procédure collective, règlement avant les créances antérieures (sauf le super privilège des salaires).
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La levée de l’interdiction d’émettre des chèques
L’accord homologué entraîne la levée de plein droit de toute interdiction d’émettre des chèques conformément à l’article L. 131-73 du code monétaire et financier, mise en œuvre à l’occasion du rejet d’un chèque émis avant l’ouverture de la procédure de conciliation (Article L611-10-2 du code de commerce)
↳ Concerne uniquement les accords homologués
L’échec de l’accord
Il peut se traduire par 4 cas:
-Inexécution de l’accord. Le tribunal prononce sa résolution (Article 611-10 du code de commerce)
-Disparition de l’accord suite à l’ouverture d’une procédure collective (Article L611-12 du code de commerce)
-Non signature du protocole de conciliation. Il est désormais impossible de redemander aussitôt une conciliation lorsque la première a échoué. Le conciliation prend fin de prend droit et une nouvelle procédure ne peut être ouverte dans les 3 mois qui suivent (Article L611-6 alinéa 3 du code de commerce).
-Refus d’homologation du Tribunal
NOUVEAU: Depuis le 1er octobre 2021, la caducité ou la résolution de l’accord amiable ne prive pas d’effets les clauses dont l’objet est d’en organiser les conséquences (Article L611-10-4). Cet article permet de ne pas remettre en cause, en cas d’ouverture d’une procédure collective, les garanties pouvant être accordées aux créanciers dans l’accord de conciliation (par exemple des sûretés consenties en contrepartie d’un abandon de créances) .